Fil rouge
Lors de ma séance photo avec la formidable Chloé Vollmer-Lo la semaine dernière, entre deux sourires qu’il ne fallait pas forcer, nous avons parlé écriture. Il faut dire qu’elle sort elle aussi un premier roman à la rentrée. Je lui faisais remarquer notamment que je sortais le mien à 48 ans. C’est tard pour se lancer dans une nouvelle carrière créative. Je me demande si je serai considéré comme un jeune auteur ? Je le suis dans ma tête, en tout cas.
C’est un long cheminement, tout ça.
Chloé m’a répondu qu’elle comme moi n’avons jamais vraiment arrêté d’écrire. C’est sûrement plus vrai dans son cas que dans le mien. Mais ça m’a fait réfléchir à mon parcours. Et je me suis souvenu de choses longtemps enfouies.
Je l’ai souvent répété: j’ai eu un déclic à la lecture de Jaenada (vous participez au Club de lecture de l’été ?). J’avais 24 ans. Trois ans plus tard, je me mettais à l’écriture. Je copiais son style. J’étais complètement nul. Je dis ça sans fausse modestie hein, c’est une catastrophe ce que j’écrivais. Une vague tentative de roman (très vague) et une encore plus vague tentative de nouvelle (très très vague). Peu de temps après, je lançais mon blog, Les libraires se cachent pour mourir, où j’ai pu un peu mieux faire mes armes. Mais c’est une tout autre histoire.
Toujours est-il que dans mon imaginaire collectif à moi, je ne m’étais pas du tout intéressé à l’écriture avant ça. Elle m’était venue sur la tard. Que nenni. Trois étapes me sont revenues. Trois jalons qui montrent que chacun tisse son chemin avec un fil rouge bien distinct.
1- J’ai 7 ou 8 ans, je ne sais plus. Ce que je sais en revanche c’est que j’ai un cahier dans lequel j’écris des fictions (ma vie n’est pas assez trépidante pour écrire de l’auto fiction). Elles sont courtes. Elles font une page max. Elles racontent des histoires diverses et variées. Je m’en souviens d’une mettant en scène Potiron et la voiture de Oui-Oui. Je faisais de la fanfiction sans même le savoir. Le cahier a été jeté par ma mère lors d’un nettoyage de printemps un peu trop radical, au début de mon adolescence.
2- Bon ça pour le coup je m’en souvenais vu que j’en ai déjà fait une anecdote. A l’âge de 10 ans (en CM2, donc), je me suis mis en tête d’écrire un roman. Aucune idée de la trame, sinon qu’il y avait un château. Sûrement un prince et une princesse. J’espère que ce n’était pas trop sexiste. Mais basé sur le fait qu’on était en 1987 et que tout le monde chantait Dis moi oui, Andy et Etienne, de Guesch Patti, je ne saurais trop dire. Pendant les récrés, je me mettais devant le TO7 de l’école et je tapais sur un traitement de texte rudimentaire. Mon maître de CM2, monsieur Herrero (que j’ai donc recroisé à la librairie 20 ans plus tard et qui, bien évidemment, se souvenait de moi), m’a dit un jour que tu sais, Kevin, c’est très difficile d’être publié. J’ai dit ah. Et j’ai arrêté. Visiblement la motivation n’était pas là.
3- Je suis au lycée. Deux années de suite, pour faire un cadeau à un bon ami, j’écris pendant les cours (on s’occupe comme on peut). Ce qu’il me passe par la tête. J’essaie d’être drôle et décalé, je pense, mais sans essayer (il ne faut jamais essayer). ça n’a aucun sens, c’est complètement déstructuré, j’écris littéralement dans tous les sens, je fais des collages…bref, je m’amuse. Ce qui aurait pu être un déclic, d’ailleurs, si je n’étais pas déjà obsédé par l’écoute et la découverte de la musique et le sport. Mon ami m’a dit quelques années après (nous nous sommes perdus de vue depuis) qu’il avait tout gardé. C’est qu’il y avait quelque chose à sauver, peut-être.
Tout ça pour dire que je ne m’étais jamais rendu compte que, quelque part, je n’avais jamais arrêté d’écrire. Il m’a juste fallu beaucoup de temps pour trouver ma véritable voie. Je suis heureux aujourd’hui de pouvoir dire à l’enfant de 10 ans que j’étais que oui, c’est difficile d’être publié. Que c’est beaucoup de travail. Mais que ce n’est pas impossible.
La preuve.